L’on sait qu’à Ottignies, lors de la cérémonie de remise du prix Renaissance de la Nouvelle, tout se passe dans la plus chaleureuse convivialité. Le lauréat n’en demeure pas moins une vedette, sollicitée par les journalistes présents soucieux de compléter leurs notes autant que par les lecteurs qui, séduits par la lecture de Jean-Marie Pétiniot ou les allocutions des jurés, se procurent le livre en hâte, espérant obtenir une dédicace et échanger quelques mots avec l’auteur… Autant dire que ce n’est pas le moment idéal pour procéder à une interview. À la fin du dîner, je proposai à Delphine Coulin de profiter des quelque 80 minutes de TGV qui nous attendaient le lendemain pour parler plus tranquillement d’ Une seconde de plus. « Sans problème », me répondit-elle, tout sourire malgré la journée trépidante qui venait de s’écouler…
Un heureux hasard ayant sans doute joué quand les places furent réservées et attribuées, nous nous trouvâmes placées côte à côte dans le Thalys qui devait nous ramener à Paris. Dictaphone en main, livre et notes sous les yeux, peut-être avais-je l’air un peu carnassière d’empêcher ainsi un auteur, encore ému, de goûter rêveusement à sa joie ? Toujours est-il que Delphine Coulin parut heureuse d’évoquer son goût de l’écriture, son obsession du temps qui passe, sa sensibilité qui l’incline à la gravité… Tant que dura la conversation, le râle du moteur fut oublié. Et moi j’écoutais couler ses mots comme filent les secondes, qu’en train on croit pareilles aux poussières lumineuses d’une queue d’une comète à cause de la vitesse…
Voici, telles de belles alluvions, ce qui de ses propos aura échappé à l’évaporation des instants…
Comment êtes-vous venue à l’écriture ?
Delphine Coulin :
J’ai écrit mes premiers textes quand j’étais enfant ; c’étaient des histoires très classiques de crapauds, de fées et de princesses… conformes à ce qui passionne toutes les petites filles. Puis j’ai continué à écrire mais toujours de façon intime, sans chercher à être lue. Au terme de mes études j’ai travaillé pour le cinéma ; j’ai passé presque dix ans à Arte, d’abord à l’unité « fictions », puis à l’unité « documentaires » où j’étais responsable de diverses émissions. Parallèlement je réalisais des courts métrages personnels qui tous relevaient de la fiction – mais une fiction qui repose sur le réel ; par exemple, mon tout premier court métrage se passe pendant les grèves de décembre 1995. On avait à disposition un décor absolument dingue, avec ces milliers de gens dans les rues, et on a inventé une histoire qui reposait sur cette réalité. J’écrivais des scénarios qui allaient se transformer en films, et l’écriture est donc devenue professionnelle. Mais au fond de moi ce dont je rêvais était de parvenir à écrire un roman. J’ai pensé que le moment était peut-être venu de me lancer lorsque je me suis trouvée bloquée dans l’écriture d’un scénario de long métrage, sur lequel je travaillais avec ma sœur. Nous avons donc laissé ce projet de côté, et j’ai commencé à emmagasiner du matériau pour ce roman que j’entrevoyais : je notais des idées, je prenais des photos et je filmais de courtes séquences – photos et bandes films sont des supports très importants pour moi car mon écriture se nourrit de tout ce qui est visuel. Ce travail d’accumulation a duré environ un an et demi, à la suite de quoi je me suis attaquée à la rédaction proprement dite, qui m’a elle aussi occupée pendant un an et demi. De là est né Les Traces, qui a été publié en septembre 2004.
Je voulais enchaîner sur un second roman. Mais la mise en route était un peu laborieuse ; alors j’ai pris une année sabbatique pour pouvoir l’écrire sereinement. Est advenu l’inverse de ce que j’escomptais : mon obsession du temps qui passe s’est accrue, et dès que j’achoppais à tel ou tel passage, l’angoisse montait car je me savais tenue par cette année que je m’étais accordée… Pour me détendre, j’écrivais des nouvelles. Une fois la troisième terminée, je me suis aperçue qu’elles avaient des points communs : toutes parlaient de femmes et de l’écoulement du temps. Ce n’était pas délibéré du tout. Mais à partir de là j’ai continué à écrire avec, en ligne de mire, la constitution d’un recueil construit et cohérent sur le plan thématique ; la structure s’est vite révélée, et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée des petites définitions scientifiques entre les nouvelles. Les textes venaient naturellement, sans difficulté – peut-être parce que je ne pensais pas en termes de publication future, alors que cette perspective était omniprésente quand je m’attelais au roman. De fil en aiguille j’ai ainsi écrit six nouvelles, six destins de femmes où, à chaque fois, intervient une seconde particulière qui va les faire basculer – c’est devenu Une seconde de plus.
Quand avez-vos appris que l’on vous avait attribué le Prix Renaissance de la Nouvelle ?
Peu de temps avant la cérémonie ; j’en ai été avisée par mon éditrice. Je suis vraiment très émue d’être reconnue par de grands noms de la littérature francophone actuelle ; c’est un coup de pouce très appréciable quand on débute. De plus, les 3 000 euros de dotation représentent une vraie bouffée d’oxygène car la situation financière est souvent précaire quand on choisit, comme je l’ai fait en quittant Arte, de renoncer au salariat pour se consacrer à la seule création.
À partir du moment où vous avez décelé les points communs qui unissaient vos trois premières nouvelles, comment avez-vous orienté votre travail d’écriture ?
J’ai cherché parmi toutes les idées que j’avais celles qui pouvaient engendrer des récits susceptibles de correspondre aux thèmes qui m’étaient apparus. En fait, ce n’est pas exactement une seconde particulière que je voulais mettre au centre de mes histoires mais plutôt une exploration du temps, une lutte contre son écoulement dont quelqu’un va essayer de s’abstraire. C’est après avoir avancé davantage dans l’écriture que j’ai imaginé de glisser à chaque fois cette seconde décisive pour mes personnages. Je voulais aussi, au-delà de leur parenté thématique, que mes textes forment un polyptique, un véritable ensemble narratif. J’avais envie de réaliser un collier, pas de rassembler plus ou moins fortuitement quelques petites perles… Je suis très attentive à la composition, à la structure – au cinéma comme en littérature. Alors j’ai tâché d’établir des ponts, des passerelles d’un texte à l’autre ; je me suis livrée à une sorte de jeu avec moi-même en insérant une foule de petits liens de toutes natures – par exemple, Madeleine Bayard et la narratrice de la première nouvelle habitent le même arrondissement de Paris, et quand Madeleine écoute les informations à la télé, il est question de la veuve d’ « Apesanteur »… Les femmes de ce recueil se croisent ; elles peuvent écouter la même musique, avoir des réflexions similaires en regardant un ciel d’été – certaines de ces « secondes en plus » peuvent être simultanées…
Je mettrais un peu à part de ce réseau de correspondances la dernière nouvelle, « Les gouttes au bas des draps » ; d’abord parce qu’elle m’est venue à l’esprit comme ça, en dehors de ce que j’avais déjà en tête. Et puis il y est question de ce qui reste d’une personne disparue dont on ne sait pas ce qu’elle est devenue – cette histoire parle de la mémoire d’une façon un peu différente des autres. De plus, elle se passe en Amérique du Sud, un endroit du monde pour lequel j’ai une affection particulière. J’ai voulu qu’elle se détache du recueil ; par son côté onirique, elle ne se situe plus tout à fait « dans la vie », mais dans une sorte d’ « après ». Elle est un clin d’œil au « réalisme magique » – un genre littéraire qu’on associe généralement à l’Amérique du Sud mais que l’on trouve aussi bien en Angleterre, en Asie, en France… D’un point de vue plus personnel, j’adore la fantaisie du quotidien, ces moments où, dans la vie courante, le réel se tord un peu et prend des couleurs magiques. Et je m’efforce toujours de transposer cela, que ce soit en écrivant ou en réalisant des films. À mes yeux, les plus beaux moments de la vie sont ceux où l’irréel fait irruption dans le quotidien le plus trivial – même si ce n’est que de l’ordre de la sensation, par exemple celle d’avoir des ailes…
Ces définitions scientifiques que vous avez glissées entre les nouvelles sont-elles vraiment authentiques ?
Oui, absolument (rires) ! On a beau soupçonner que les scientifiques sont parfois un peu fous, je me suis rendu compte, en cherchant dans le dictionnaire une définition de la seconde, que ça allait au-delà de l’imaginable… La première que j’ai trouvée, qui se référait au mouvement des planètes, à l’année 0 des Éphémérides, m’a paru complètement extravagante ; j’ai donc consulté un autre Larousse, plus récent, où je suis tombée sur une autre définition de la seconde, cette fois en fonction de l’atome de césium, ce qui n’était pas plus compréhensible pour une non-initiée… En l’espace des dix années qui séparent la publication des deux dictionnaires, on passe ainsi, pour définir une même notion, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, sans que soit expliqué pourquoi – depuis, j’ai appris que les scientifiques estimaient plus précis de définir la seconde à partir de l’atome de césium qu’en fonction du mouvement des planètes. Ces variations m’ont poussée à chercher ailleurs, et je me suis aperçue qu’en une cinquantaine d’années, selon les sources, on trouvait plusieurs définitions différentes de la seconde. J’ai découvert tout un monde où les scientifiques n’avaient finalement pas plus de certitudes que nous par rapport au temps ; leurs définitions fluctuent et, en somme, leur expérience du temps est aussi relative que la nôtre. Chacun de nous vit le temps de façon particulière, en fonction du moment présent, de ses expériences passées ; mais ce qui est magnifique – c’est pour cela qu’à la toute fin du livre il y a un décompte qui s’applique aussi bien à moi qu’au lecteur – c’est que, malgré ces différences d’appréhension, nous vivons tous dans un même déroulement temporel…
Il m’a semblé que vous nouvelles étaient plutôt d’atmosphère, de climat, comme si vous vouliez vous donner le temps – c’est le cas de le dire – d’installer quelque chose…
En tant qu’écrivain, je suis davantage intéressée par la transcription au plus juste des sensations, voire par les rapprochements qui peuvent s’établir entre deux impressions, que par l’écriture de « nouvelles à chute ». D’un point de vue de lectrice, c’est un genre que j’ai longtemps apprécié – j’avais une affection particulière pour celles de Roal Dahl – mais aujourd’hui je ne suis plus aussi attirée par ce type d’histoires.
Quels sont vos goûts de lectrice ?
J’ai une prédilection marquée pour la fiction narrative – je lis beaucoup de romans et de nouvelles, mais très peu de poésie. Je reste très attachée à la « vraie » narration, bien que l’on ait, ces dernières décennies, fortement remis en cause cette notion dans le roman. Cela étant, j’a i une préférence pour les fictions qui interrogent le réel – je ne parle pas de « romans réalistes » mais d’œuvres qui posent la question de la porosité entre réalité et fiction. À mes yeux, cette porosité est la question fondamentale de l’art en général, et de la vie. Les livres et les films que je préfère sont ceux qui essaient de circonscrire le réel, de le toucher du doigt.
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Revenons-en à votre propre écriture. Vous avez évoqué votre quête de justesse dans la transcription des sensations et c’est en effet à l’expression d’ « écriture sensitve » que j’ai pensé en vous lisant ; vous employez beaucoup de phrases elliptiques, infinitives… Vous cultivez une certaine aridité stylistique…
Delphine Coulin :
Oui, j’aime bien la concision, la simplicité – les plus grands maîtres en la matière sont les Japonais, qui écrivent de façon sèche, limpide, « au fusain », et c’est à une telle écriture que j’aspire. Pour moi, l’écriture littéraire ne consiste pas à aligner des mots compliqués et à composer des phrases qui ronflent, comme on dirait d’un moteur de voiture, mais à essayer de retranscrire un état d’âme au plus près, et c’est uniquement dans cette direction-là que je travaille la langue. Le « beau style » m’ennuie profondément, aussi bien à lire qu’à écrire.
Certaines de vos nouvelles sont écrites à la première personne, d’autres non… Quelle est la posture narrative qui a votre préférence ?
Spontanément j’écris toujours à la première personne ; c’est une manière qui m’est naturelle. C’est sans doute pour cela que je n’ai encore jamais osé me mettre dans la peau d’un homme… Les personnages narrateurs seront donc des femmes mais qui, bien sûr, se distingueront de moi d’une histoire à l’autre par l’âge, la personnalité, la vie que je leur prête… etc. Je trouve qu’employer la première personne permet d’adopter un point de vue plus juste. La troisième personne du « narrateur anonyme et omniscient » a un côté artificiel et surfait qui me gêne. En revanche, il y a des cas où le « je » peut sonner faux – par exemple, « Les gouttes au bas des draps » aurait eu selon moi quelque chose d’artificiel si j’avais écrit ce texte en endossant l’identité de la petite Sud-Américaine.
« Vie et destin de Madeleine Bayard, révolutionnaire », qui est aussi écrite à la troisième personne, m’a paru être une sorte d’OVNI parmi les autres nouvelles, d’une part à cause de cette posture narrative mais aussi par sa tonalité d’ensemble. D’où est-elle née ?
Cette nouvelle est en effet assez différente des autres – d’ailleurs, c’est celle qui m’a donné le plus de mal : il m’a fallu éliminer une cinquantaine de pages avant de parvenir à sa forme définitive. Elle m’a été inspirée par un événement très concret : les émeutes des jeunes en banlieue parisienne. À cette occasion, dans les médias, on ne parlait que « des jeunes… », « des jeunes… », « des jeunes… » Cela m’agaçait prodigieusement car je trouvais stupide de stigmatiser ainsi une classe d’âge… De là je me suis demandé ce qui arriverait si, tout d’un coup, une horde de vieillards révoltés s’abattait sur la Capitale – les personnes âgées sont tellement nombreuses que si, en effet, elles se rassemblaient pour défiler dans les rues, ce serait un drôle de cirque (rires) ! Dirait-on de la même façon « les vieux… », « les vieux… » « les vieux… » ?
L’un des traits qui distinguent « Vie et destin de Madeleine Bayard » est peut-être une dimension humoristique un peu plus marquée… D’ailleurs, les jurés qui vous ont questionnée hier ont noté qu’il y avait de l’humour dans vos nouvelles, voire un optimisme global. Comment recevez-vous cette approche de vos textes ?
Je pense – enfin, j’espère… – qu’il y a un certain humour dans mes textes, y compris dans Les Traces. Mais le terme d’ « optimisme » m’a un peu étonnée – c’est bien la première fois que je l’entends à propos de mon travail. Cependant, il faut préciser le contexte dans lequel il a été employé, faute de quoi on ne le comprendra pas de façon juste. C’est Marie-Hélène Lafon, me semble-t-il, qui a parlé d’optimisme dans le sens où mes nouvelles proposent des issues pour échapper au passage du temps qui nous accable en permanence. C’est une lecture possible… mais je ne dirais pas que je suis quelqu’un de fondamentalement optimiste – même si, dans la vie, j’aime bien rire. C’est plutôt une sorte de gravité qui me caractérise – ce qui est souvent perçu comme un défaut. Or je ne pense pas qu’être d’un naturel grave soit blâmable ; cela va juste à l’encontre de cette tendance généralisée qui exige que l’on soit gai, léger, et que l’on produise des œuvres gaies et légères – alors que le monde environnant ne l’est pas franchement…
Il m’a semblé que vos nouvelles soulignaient très bien cet aspect fondamental de la conditon humaine qui est son essence tragique…
Oui ; je pense que si l’on se donne la peine de réfléchir un tant soit peu aux choses et en particulier à la condition humaine, on ne peut qu’être grave. Il n’y a pas lieu de rechercher la légèreté à tout prix – surtout quand celle-ci va à l’encontre de son caractère. Cela dit, je fais en sorte que mes écrits ne soient pas déprimants….
Être grave ne saurait être compris comme synonyme de « déprimant »… À cet égard, « Un temps fou » me paraît cristalliser à merveille cette nuance : les deux décès dont il est question laissent les vivants désemparés, mais cette tristesse est contrebalancée par une sérénité qui s’installe puisque les mourants s’en vont sans souffrance.
Cette nouvelle est effectivement un bon exemple. Deux personnes proches de la narratrice – dont son propre père – meurent, ce ne pouvait donc pas être une histoire légère. Mais il y a tout de même une véritable douceur car la narratrice est gagnée par une profonde paix intérieure que lui a communiquée Olga en lui faisant découvrir la beauté de la lumière du solstice effleurant la mer. Et elle va à son tour transmettre à son père mourant un peu de cette paix pour qu’il s’en aille serein. Le décès d’un être cher est toujours un moment difficile, qu’on ne peut pas éluder – alors autant s’y préparer et y songer avant que l’événement survienne, mais pas forcément de façon douloureuse. En écrivant cette nouvelle, je n’ai pas voulu faire pleurer dans les chaumières mais simplement évoquer une inquiétude à laquelle personne ne peut échapper, la partager avec le lecteur et, éventuellement, proposer une manière de remédier à cette inquiétude.
« Un temps fou » et « Apesanteur » sont les deux textes qui abordent le plus directement cette aspiration si dérisoire à l’éternité qui, quelque part, nous habite tous… Ni la transformation des cendres du sculpteur en œuvre d’art, ni la captation de la lumière du solstice sur la mer n’offrent de véritables accès à l’éternité ; mais elle est effleurée – et ce n’est déjà pas si mal.
Si l’on est vraiment pessimiste, ces issues qui se révèlent dans vos récits se lisent plutôt comme des pis allers…
Non, je ne dirais pas cela. Ces « remèdes » à la finitude que trouvent mes personnages sont des moments de merveilleux ; c’est peu, mais de toute façon on n’aura pas davantage alors autant en saisir toute la beauté, tout le merveilleux – la lumière du soleil d’été sur la mer, c’est tout de même magnifique, non ?
Est-ce qu’il y a des similitudes entre l’écriture de nouvelles et celle de scénarios de courts métrages ?
Non, pas du tout. Écrire pour le cinéma et pour la littérature sont deux approches très différentes. Au cinéma, l’écriture n’est qu’une manière d’approcher l’image qu’on a dans la tête et qu’on va chercher à réaliser plus tard ; le scénario n’est qu’un outil. Alors qu’en littérature, la réalisation de l’image est tout de suite là, sur le papier. On n’utilise pas les mots de la même façon – dans l’un et l’autre cas il y a un même souci de justesse, mais auquel on répondra différemment selon qu’on écrit un scénario ou un roman (ou une nouvelle). De plus, l’écriture littéraire se pratique dans la solitude, dans la tranquillité de sa chambrette, où on a le droit de tout imaginer – c’est l’infini mis à la portée des caniches… Tandis qu’au cinéma, dès le scénario commencé, il y aura cinquante personnes qui vont donner leur avis et vous rappeler sans cesse tel ou tel critère de « faisabilité » – il n’y a plus que les caniches et on oublie l’infini (rires) ! Par exemple, si j’ai envie de faire passer un avion – ou un escadron, pourquoi pas… – dans le ciel à tel ou tel moment de mon roman, rien ne m’en empêche. Mais si je case une scène analogue dans un scénario, je me ferai reprendre parce que les obstacles financiers et techniques sont trop nombreux pour que l’on puisse la tourner. Au cinéma, on se cogne très vite aux bords du réel et de ses contraintes.
Séparez-vous nettement l’écriture scénaristique et l’écriture littéraire ou bien menez-vous les deux simultanément ?
J’alterne les deux activités. À un moment j’ai essayé de faire les deux plus ou moins en même temps, mais cela brouillait ma perception des choses : comme je travaillais simultanément sur deux objets textuels différents, je ne savais jamais dans lequel des deux je devais instiller ce que le réel m’offrait en cadeau. Maintenant je me consacre soit à l’écriture de scénario, soit à l’écriture littéraire, et cette séparation est assez salutaire : elle m’évite les pannes. Quand je bloque sur un projet, je passe à l’autre, et cela me permet d’avancer sur deux jambes.
Une question de profane : comment sont diffusés les courts métrages ?
Principalement dans les festivals, certains à la télévision. Nous en avons réalisé un sur commande pour Beaubourg, deux ont été financés par la télévision, et nous avons autofinancé le quatrième. Tous ces films ont tourné dans les différents festivals, en France et à l’étranger. Faire des courts métrages n’est pas une fin en soi, c’est un entraînement à la réalisation, à la direction d’acteurs, à la gestion d’une équipe… Il n’y a pas d’autre moyen pour apprendre le métier – suivre l’enseignement d’une école ne remplacera jamais la pratique. Ensuite, diffuser ses films dans les festivals permet de se constituer une petite carte de visite, et, peu à peu, d’avancer vers le long métrage.
Et maintenant, quels sont vos projets ?
J’espère terminer bientôt ce second roman que j’évoquais tout à l’heure. Il y a déjà trois ans que je l’ai commencé, et je suis en train d’arriver au bout. Si je l’achève cette année, cela amènera la publication courant 2008. D’autre part, je mets la dernière main à un scénario de long métrage ; il devarit être fini cet été, et pourra dès lors entamer son périple dans les circuits de financement. Là surgit une autre différence majeure entre le cinéma et la littérature : quand on a mis le point final au manuscrit d’un livre, on n’a plus qu’à le proposer à l’éditeur. Au cinéma, une fois le travail d’écriture bouclé, ce n’est que le tout début de l’aventure…
Interview réalisée le 13 mai 2007 dans le Thalys Bruxelles-Paris. |
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