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Bernard Noël, Le Retour de Sade

Le Divin Marquis ressuscite de nos jours, dans un monde gouverné par une papesse au physique de top-model…

Dans notre monde gouverné par une Papesse au physique de top-model, le Marquis de Sade fait sa résurrection et c’est Thérèse d’Avila, autre figure de l’excès, qui est chargée de l’accueillir. La blonde Papesse a en effet découvert les œuvres du Marquis, devenues des classiques, grâce aux conseils de Johnny, son ministre de la lecture, sorte de gigolo conspirateur qui entend purger l’Église du pouvoir des cardinaux. Un contrat de bouffon est proposé à Sade qui l’accepte à contrecœur avec néanmoins l’espoir de retrouver ainsi, dans une époque qu’il ne comprend pas, sa force de subversion.

L’idée de départ est assez séduisante et l’on regrette a posteriori que Bernard Noël ne l’ait pas du tout exploitée, d’autant que son écriture ironique et ciselée fait un sort à chaque réplique. Mais au lieu de confronter Sade aux dispositifs contemporains – les médias ou la logique de marché comme nouvelles (auto) censures – l’auteur le place au centre d’un débat religieux désuet et parfaitement consensuel.

La mise en scène de Charles Tordjman est parfois paresseuse : anachronismes éculés (Thérèse d’Avila et son téléphone portable), clin d’œil plutôt lourd (la crucifixion du Marquis) jusqu’à la répartition manichéenne de l’espace – le Paradis en haut et l’Enfer en bas reliés par un escalier colossal sur lequel les acteurs trouvent une contenance.

Néanmoins, la direction d’acteurs de Tordjman sauve la représentation : le rythme allegro des échanges verbaux permet de tenir le pari de la farce et l’incarnation du Marquis par une actrice (Dominique Valadié) apporte une étrangeté troublante tout à fait réjouissante. Dominique Valadié et Agnès Sourdillon (Thérèse) sont simplement époustouflantes et leur prestation mérite à elle seule le déplacement. La puissance de l’une et la retenue de l’autre font merveille, chacune à sa façon s’approprie le texte de sa voix si particulière et leur jeu expressionniste rend touchantes ces figures historiques que le texte reléguait au rang d’icônes creuses.

sarah cillaire
Du 5 mars au 2 avril au Théâtre National de la Colline
15, rue Malte Brun
75020 PARIS
Tel : 01 44 62 52 52

Pour toutes les informations pratiques concernant ce spectacle, rendez-vous sur le site du Théâtre de la Colline.

 

   
 

 Bernard Noël, Le Retour de Sade, Léo Scheer coll. « Lignes », décembre 2004, 89 p. – 14,00 €.

 
     
 

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Les Yeux dans la couleur

Sont réunis ici des textes poétiques où Bernard Noël aborde au plus près l’œuvre de quelques artistes plasticiens.


R
éunis, ici, un ensemble de textes poétiques (datant de 1970 à 2003) dont le dénominateur commun est l’art. Bernard Noël aborde au plus près l’œuvre de plasticiens tels que Camille Bryen, Abakanowicz, Louise Nevelson, Vieira da Silva, Jackson Pollock, Jean-Michel Marchetti, Ladislas Kijno, Olivier Debré, entre autres. S’agit-il de peindre ce qui est peint, de tracer ce qui est affiché, de cerner ce qui est encadré : certes non. Par le poème, non seulement l’abstraction se révèle, mais tout ce qui échappe vient frapper à la porte du sensible, de l’entendement, d’un irrationnel philosophique.
 

Qu’est-ce qu’un regard ?
Un espace dont la limpidité est assez révélatrice pour que toute forme y apparaisse telle qu’en elle-même.
Mais rien n’est tel quel, car le regard est aussi dans les yeux, et les yeux dans la tête.
Ainsi le monde, et la peinture du monde, sont-ils perçus par l’expérience humaine, celle-ci incluant toute forme de connaissances. L’art n’est que la représentation de l’objet par le sujet qui l’interprète, théâtre des couleurs et des formes, des nombres et des ombres. Comme le livre, écrit de nouveau par le lecteur, le tableau – appelons-le ainsi – se dévoile en se recréant par le filtre de la rétine, miroir inversé de l’apparence des choses. Ce qui nous parle dans l’art, c’est bien cette voix si profonde de l’instinct que le néo-cortex a vêtu de langage, cette sensibilité analytique de tout ce qui est autre (à commencer par soi).

Et comment faire passer l’art dans les mots ? Par les mots ? En projetant une clarté rasante, par touches successives peut-être, tout en impressionnant la page de ces réflexions gorgées de sens – le sens est en train de sourdre. Semences dans le bulbe, et dans le tronc, dans les pieds et dans la tête – le temps fera le reste, son œuvre et son parcours. Ainsi le poète nous convie-t-il à la table des formes et des figures ; à nous d’y mettre les couverts qu’il nous faut. Mais, de toute évidence, ainsi qu’il l’affirme : Nous voyons moins le monde que du sens. Et la peinture, elle-même, se fait orientation.
 
daniel leduc
 
Bernard Noël, Les Yeux dans la couleur, P.O.L., 2004. 224 p. – 27,00 €.

 
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