Entretien avec Xu Xing (Et tout ce qui reste est pour toi)

Dans son premier roman, Xu Xing raconte les déboires occidentaux d’un jeune Chinois en quête d’aventure…


Xu Xing vient de publier aux éditions de l’Olivier son premier roman dans lequel il raconte les déboires occidentaux d’un jeune Chinois en quête d’aventure. Le héros part de Pékin à bicyclette jusqu’au Tibet. Il revient ensuite dans la capitale pour prendre l’avion jusqu’en Allemagne afin de rejoindre un compatriote qui réussit à survivre en étant serveur dans un restaurant.

Commençons avec le thème du voyage très important dans vos histoires. Y a t-il un lien entre la quête du narrateur et celle de l’écrivain ?
Xu Xing :
C’est un thème effectivement qui m’intéresse. Parce qu’en tant que Chinois je crois qu’on a envie de voyager mais c’est aussi quelque chose qui vous fait rêver, fait beaucoup travailler l’imagination, ça fait évoluer… Ça concerne les rencontres qu’on n’aurait pas faites si on était resté chez soi. En même temps on est toujours seul. Dans l’écriture il y a de cela aussi. Et toujours une chose impossible à atteindre. Ce qui est sûr, c’est qu’on aura toujours raison de chercher.

 

On se demande en lisant votre roman, si une telle vie vous apporte la sagesse ou la désillusion… Vous parlez de solitude mais il y toujours quelqu’un qui voyage avec votre personnage.
Xu Xing : C’est comme dans la vie. On est toujours seul mais on a peur alors on a tendance à chercher quelqu’un pour nous accompagner. C’est un paradoxe et il y en a bien d’autres dans ce que j’écris.

 

Oui, par exemple, on comprend que vous êtes irrévérencieux à l’égard des institutions et athée aussi. Alors pourquoi vos personnages invoquent-ils Dieu à plusieurs reprises ?
Xu Xing :
Parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Ils se donnent une excuse parce qu’ils ont peur. D’ailleurs ce n’est pas vraiment Dieu. Je n’ai pas la foi. Et parce que je suis chinois pourtant je suis sûrement imprégné de bouddhisme… malgré moi… je n’y pense pas quand j’écris. Pourtant je conserve un vrai respect des croyances de chacun et des lieux de culte. Je pense qu’en Chine cette pensée qu’on nous a imposée ressemble à une religion. C’est même pire je crois, extrêmement dogmatique. Ça doit être pour cela qu’on peut avoir envie d’être opposé à tout. Même à l’idée de Dieu. D’où l’attitude du personnage dans mon roman.

 

Avez-vous été influencé par la culture occidentale ?
Xu Xing :
Oui dans mes nouvelles j’y fais parfois référence (comme Keats ou Austen, Whitman…). Le thème du vagabondage en particulier, plus que le style des auteurs, m’a beaucoup marqué, par exemple, Don Quichotte de Cervantès ou encore Sur la route de Kerouac. Mais en fait, quand j’étais enfant, j’ai lu une nouvelle espagnole (car avant la révolution culturelle il y avait eu pas mal de traductions d’œuvres occidentales auxquelles nous avions accès). Je ne me souviens plus du titre… ni de l’auteur. C’était l’histoire d’un personnage parti en voyage, qui faisait plein de rencontres… il lui arrivait plein de choses, c’était très drôle, léger et en même temps très émouvant. Ce thème de la découverte par le voyage me plaît beaucoup. C’est universel.

 

Pensez-vous comme Bruce Chatwin que l’homme est par nature nomade ?
Xu Xing :
Je ne connais pas cet écrivain. Mais s’il a dit cela, je suis d’accord avec lui.

 

Vos écrits sont très cinématographiques, ne serait-ce que par la description des détails du quotidien. Vous sentez-vous proche du cinéma chinois contemporain ?
Xu Xing :
Je me sens très concerné par le cinéma. Je fais moi-même de la vidéo, et des documentaires. C’est encore un rêve, mais j’aimerais réaliser un film dont j’ai déjà écrit le scénario. Ce qui ne me plaît pas dans le cinéma chinois contemporain, est qu’il est très conceptuel. Il reste très esthétique. Les cinéastes d’avant la révolution culturelle étaient plus intéressants. Je pense que c’était du grand cinéma, avec de véritables histoires et le goût du détail. C’est important de montrer les petits gestes, les petites choses.

 

C’est peut-être une question que j’aurais dû vous poser au début. Mais je me demande comment vous travaillez. Est-ce que comme vos personnages vous arrivez à vous mettre dans une « bulle » malgré l’indigence du quotidien ?
Xu Xing : Je suis en effet assez pauvre pour ne pas pouvoir me payer l’assurance la moins chère, qui correspond à mon statut social en Chine. En tout cas, je ne me mets pas « en condition » pour écrire. Je ne fais pas semblant de vivre la même vie que mon héros, s’il est serveur ou travaille sur une chaîne d’usine. J’ai fait des boulots alimentaires. J’ai vécu quatre ans en Allemagne dans une petite ville à côté de Frankfort. C’était assez difficile et un peu triste.

 

Avez-vous la même méthode de travail ? Vous écrivez au fur et à mesure, au fil de l’inspiration sans vous couper du monde…
Xu Xing :
Oui, c’est un peu ça, je brouillonne des bouts de papiers. J’attends d’avoir des choses à dire pour écrire. Après je relie le tout… En fait pour mon roman c’était un peu différent. C’est la première fois que je m’enfermais. D’ailleurs ça se ressent je crois dans la deuxième partie. Ça me dérange un peu car il y a une rupture dans le style.

 

Mais c’est ce qui fait le charme du livre et rend le récit cohérent, la première partie est un vagabondage…
Xu Xing : Merci.

 

Et tout ce qui reste est pour toi est le titre de la dernière nouvelle du recueil et le titre du roman ; p.194, vous dites, « quand quelque chose vaut le coup elle est déjà prise ». Vous pensez encore qu’il y a une économie de ce genre entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien ?
Xu Xing :
Oui. C’est cela. Ce qui reste à ceux qui n’ont rien se trouve en continuant le voyage. Il faut partir.

 

D’accord, j’y vais…
Xu Xing :
(Rires). Bon, au revoir !

 

Propos recueillis par Lata Masud.

   
 

Deux des livres de Xu Xing sont publiés aux éditions de L’Olivier : un roman, Et tout ce qui reste est pour toi, et un recueil de nouvelles, Variations sans thèmes.

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